La coopération est basée sur la croyance en des récits fictifs

date_range 22 Octobre 2020

Yuval Noah Harari, historien, professeur d’histoire à l’université hébraïque de Jérusalem, rendu célèbre depuis la publication en 2014 de son best-seller mondial Sapiensune brève histoire de l'humanité était l'invité des Matins de France Culture. 

 

"Notre capacité à créer et croire dans des fictions nous permet de coopérer à grande échelle"

"Nous Sapiens, pensons que nous sommes différents, spéciaux. Parce qu'au niveau individuel, nous sommes plus malins, plus forts que certains animaux. Mais c'est une erreur totale. Au niveau individuel, je ne suis pas supérieur à Néandertalien, au chimpanzé ou à un éléphant, ou même à un cochon ! Sur une île déserte, je pense que le chimpanzé vivra beaucoup mieux que moi. En revanche, le grand avantage sur tous les autres animaux et aussi par rapport aux Néandertaliens, c'est que nous pouvons opérer en grand nombre, vraiment de façon illimitée comparé à eux. De ce que l'on sait, les Néandertaliens ont opéré à l'échelle de 20, 30, à 50 personnes au maximum. Notre espèce, Sapiens, a appris il y a des dizaines de milliers d'années à collaborer, coopérer par centaines et même par milliers. Aujourd'hui, nous pouvons coopérer en termes de millions ou de milliards. Pensez à un pays comme la Chine avec plus d'un milliard d'habitants, ou même la France avec 60 ou 70 millions d'habitants."

 

"Qu'est-ce qui rend possible la fait de pouvoir collaborer en un si grand nombre, de façon générale ou en entreprise? La réponse, c'est notre capacité à créer et à croire en des récits fictifs. La coopération est basée sur la croyance en des entités fictives, des récits fictifs. C'est beaucoup plus clair dans le cas de la religion. Vous devez convaincre un grand nombre de personnes à croire en votre histoire. Mais on ne peut pas convaincre un grand nombre de chimpanzés de se réunir pour construire une cathédrale ou partir en croisade en leur promettant que ce faisant, après leur mort, ils vont aller au paradis des chimpanzés et là, ils recevront beaucoup de bananes. Il n'y a que les êtres humains qui peuvent croire de telles histoires. C'est la raison pour laquelle les êtres humains ont des grandes religions qui ont construit des cathédrales et sont allés se battre au djihad et aux croisades. Mais ce n'est pas simplement la religion. Pensez à l'économie chinoise. Les grandes entreprises chinoises sont aussi des entités fictives, tout comme les dieux. Qu'est-ce qu'une entité comme Google et Facebook ou Peugeot, si vous ne pouvez pas le toucher ou la voir ? Donc aujourd'hui les entreprises raconte l'histoire d'une entreprise ou des entrepreneurs. Mais vous êtes convaincus comme tous les autres d'y croire. C'est ainsi que les entreprises sont créées dans les temps."

 

"L'important, c'est de se souvenir que les récits sont des outils pour nous aider à collaborer, à coopérer, pour surmonter les problèmes divers auxquels on doit faire face. La réalité la plus importante, c'est la réalité de la souffrance. Sans oublier que la souffrance est véritable, elle est réelle. Ce n'est pas une histoire. Parfois, la souffrance est générée par le fait que des gens croient à des histoires différentes. Mais non, la souffrance qui en résulte est vraie. (...) Il faut nous assurer que les récits que l'on nous raconte aident à libérer les gens de la souffrance au lieu de créer plus de souffrances inutiles."

 

https://www.franceculture.fr/emissions/linvitee-des-matins/yuval-noah-harari-est-linvite-exceptionnel-des-matins

 

 

 

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